
Samia Maktouf Origine – Cette avocate et connectrice accomplie n’a cessé de défendre son pays d’origine, la Tunisie. Et prend les armes pour protéger les droits de propriété intellectuelle au Maghreb. Samia Maktouf est devenue célèbre après que son nom ait été révélé dans un récent procès. En avril, son cabinet Dubreuil & Maktouf a soutenu une plainte pour discrimination déposée par sept Français d’origine immigrée contre la police aux frontières de l’aéroport d’Orly.
Avant cela, cette Tunisienne d’une quarantaine d’années n’était que peu apparue dans les médias. Seuls ses proches et, bien sûr, ses clients connaissaient l’étendue de son pouvoir. Elle les a accueillis dans son bureau des Champs-Élysées à Paris dès qu’ils ont manifesté leur intérêt pour investir en Tunisie.
Pour couronner le tout, Samia Maktouf est une soutien indéfectible de son propre pays. Il n’y a pas de manifestation de Tunisiens à Paris pour laquelle elle ne montre pas son soutien, et elle chante les louanges de chaque gala de charité auquel elle assiste auprès de ses amis les plus proches.
Sous l’œil bienveillant de Nelson Mandela, avec qui elle a été photographiée, elle poursuit sa mission de bons offices chez elle, dans la banlieue parisienne aisée de Neuilly-sur-Seine, où se sont succédés le cinéaste Élie Chouraqui, les comédiens Jean-Marie Bigard et Laurent Baffie, l’homme d’affaires François Bennaceur et Betty, la veuve du grand industriel Jean-Luc Lagardère se réunissent pour faire des affaires.
Dans le bref intermède entre les plats, l’hôtesse parvient à convaincre ses invités de faire un don à une vente aux enchères organisée par une compatriote, à chanter les louanges de sa Tunisie natale, à planifier les prochaines vacances de David Khayat, un oncologue de renom qui se trouve également être Tunisien de naissance, organise une rencontre entre un journaliste et une connaissance commune et fixe un rendez-vous chez le médecin pour l’épouse d’un ministre africain.
Bien que issu d’un milieu plutôt modeste, mes frères et moi avons toujours affiché une prédilection marquée pour les activités intellectuelles. Pour atteindre mon objectif de fréquenter une faculté de droit à Paris, j’ai travaillé très dur tout au long de mes études secondaires. Ce n’était pas seulement un projet pour moi ; c’était quelque chose qui me passionnait vraiment.
C’est pour cette raison que j’ai abandonné beaucoup de choses dans ma vie personnelle et professionnelle, notamment en tant que stagiaire, assistant et collaborateur dans diverses grandes entreprises parisiennes avant de créer ma propre entreprise sur les Champs-Elysées. Connaissant les opportunités qui existent en France pour les études universitaires et la profession juridique, et appréciant la riche diversité culturelle de la nation, j’ai décidé de poursuivre mon rêve d’obtenir un diplôme en droit en France.
C’était le début de mon voyage vers l’autre. J’ai d’abord contacté le Centre culturel français de Tunis pour m’inscrire à une formation en droit, et la Faculté Jean Monnet a été la première à me répondre. C’est un petit endroit sympathique qui m’a offert l’assurance dont j’avais besoin pour commencer une carrière juridique dans un pays qui n’est pas le mien.
Lorsque je suis arrivé en France en tant qu’étudiant international, la Faculté Jean Monnet était là pour m’accueillir à bras ouverts et me doter des connaissances et des compétences dont j’avais besoin pour réussir. Qu’est-ce qui vous a amené à quitter la pratique du droit commercial pour devenir « l’avocat des victimes du terrorisme » ? Après avoir effectué un stage au Royaume-Uni et surtout aux États-Unis, j’ai acquis la conviction qu’il était possible de pratiquer le droit des affaires en France tout en respectant la culture juridique française et en étant tout aussi efficace.
C’est en défendant Ziad Takieddine, suspect dans l’affaire Karachi, que j’ai eu ma première véritable expérience du terrorisme. C’est alors que j’ai entendu parler pour la première fois des « victimes invisibles » du terrorisme. Parallèlement, en mars 2012, Mohamed Merah mène une série d’attentats dans la région de Toulouse et de Montauban. Je me suis personnellement investi dans cette cause après avoir entendu les membres des familles des victimes, notamment Latifa Ibn Ziaten, mère de la première victime du jihadiste.
C’était ma façon de répondre en tant que citoyen concerné au terrorisme qui touchait de plus en plus notre pays. Vous avez écrit l’année dernière un livre intitulé « Je défendrai la vie autant que vous prêchez la mort » dans le but de diffuser les enseignements antiterroristes. Pourriez-vous nous en donner un bref aperçu ? En effet, le message que je porte se retrouve dans les paroles terrifiantes, bouleversantes, qui résonnent encore si fort aujourd’hui, que Mohamed Merah a prononcées devant les policiers qui assiégeaient son appartement.
Pour paraphraser Oussama ben Laden, « autant que vous aimez la vie, nous aimons la mort » résume toute la vision néfaste du monde des groupes djihadistes. C’est tout le plan que les terroristes ont pour nous ; c’est un rejet de nos valeurs démocratiques et une expression de leur mépris de notre civilisation. Vous avez été qualifié d'”avocat” de nombreuses personnes, dont Sihem Souid, Lela Ben Ali, Ziad Takieddine, les migrants de Lampedusa, aujourd’hui victimes du terrorisme. Dans quelle mesure pensez-vous que cette étiquette « icône » vous décrit avec précision ?
Le terme « icône » semble inapproprié mangé ici. Le devoir de l’avocat est de défendre, soutenir et assister son client afin d’assurer la meilleure issue possible à son dossier, quelles que soient ses propres convictions. Ne mélangez en aucun cas le cas de l’avocat et celui du client. Les professionnels du droit « ne doivent pas être assimilés à leurs clients ou à la cause de leurs clients du fait de l’exercice de leurs fonctions », ce qui est une norme reconnue par les Nations Unies.
Des personnalités controversées comme Abdelkader Merah et Salah Abdeslam ont bénéficié du même droit à une représentation juridique lors de leur procès que tout autre accusé ou accusé. Ils veulent nous imposer la barbarie, mais nous avons l’État de droit et il nous protège.
Dans les trois cas que vous décrivez, j’ai défendu des clients qui avaient fait l’objet de sévères critiques de la part du système judiciaire de leur pays d’origine, sans avoir eu la possibilité de réagir. Si vous n’avez jamais eu à faire face à un déni de justice, le rôle de l’avocat comme dernière ligne de défense contre une prise de décision arbitraire peut être difficile à comprendre. Toute la gloire et la dignité de ce domaine se résument à cela.
C’est vrai pour des personnages célèbres comme ceux que vous avez mentionnés, mais c’est également vrai pour les jeunes réfugiés que j’ai représentés et qui sont arrivés à Lampedusa en provenance de pays où régnait la loi du plus fort et qui étaient les plus pauvres.
Et c’est encore le cas aujourd’hui pour les victimes du terrorisme que l’État continue d’utiliser pour justifier sa politique en la matière, quelle qu’elle soit. Le terrorisme est une gangrène sociétale qui peut toucher tout le monde. Pour moi, la pression la plus pressante est toujours celle qui concerne les intérêts de mes clients, qui m’ont embauché comme conseiller juridique, m’ont désigné comme leur représentant devant le tribunal et dépendent de moi pour protéger leurs droits et leurs meilleurs intérêts.
Mon cas et mes arguments les convaincront-ils ? Serai-je capable de convaincre les juges ? C’est la seule contrainte de temps sérieuse pour un avocat. Vos dossiers et mémoires se démarquent de la norme, et si vos arguments sont retenus devant le tribunal, ils pourraient avoir des implications considérables pour la société. Pouvez-vous ressentir une sorte de force ? Selon vous, que doit savoir un jeune avocat fraîchement sorti de l’école de droit ?
Plutôt que de se concentrer sur la théorie qu’il aura assimilée avec succès à l’Ecole du Barreau, qui n’est qu’une partie intime du métier qu’il s’apprête à exercer, je conseillerais à un jeune avocat diplômé de garder à l’esprit que le métier qu’il a choisi est un ce qui nécessitera toute son implication personnelle, tout son temps et toute son énergie. Être avocat est une vocation, pas seulement une carrière.
Vous avez ce truc de « self-made-woman », mais pouvez-vous nous parler de vos réseaux professionnels et d’anciens élèves ? C’est exactement ce que je regrette ; le réseau des anciens élèves a disparu de ma vie au fil des années. Je n’ai fait aucun effort pour y échapper, mais parce que j’avais l’impression qu’il fallait toujours lutter pour atteindre mes objectifs et, une fois arrivés, pour les conserver, j’ai perdu contact avec cette période de ma vie qui m’est si chère.
J’espère que le réseau des anciens élèves me permettra de rétablir ce lien, et cette fois je ne le laisserai pas dépérir. J’arrive dans l’un des cabinets d’avocats les plus prestigieux de Paris. L’entreprise a décidé de me recruter. Cela ne semblait pas miraculeux à l’époque. J’ai déménagé définitivement dans la Ville Lumière dans les années 1990 et je ne me souviens pas avoir été victime de racisme ou de préjugés sur mon lieu de travail.
C’était plutôt une époque où un grand nombre d’étudiants des pays en développement venaient dans le monde développé pour y faire des études, puis rentraient chez eux pour faire partie de la classe dirigeante. Il n’y avait aucune discrimination contre les musulmans et aucun marché fermé.
