Affaire Adidas Bernard Tapie – En 1993, Bernard Tapie affirmait que le Crédit Lyonnais l’avait fraudé en lui rachetant Adidas à un prix bien inférieur à celui auquel la banque avait ensuite vendu la marque. L’homme d’affaires a été suivi par cette affaire pendant près de 25 ans. 1993 est une année joyeuse pour la ville de Phocée. L’Olympique de Marseille a également remporté le très convoité trophée de la Ligue des Champions en plus du championnat de France.
Bernard Tapie, le président du club, est aux anges. Mais cette année sera bientôt le début d’une longue séquence judiciaire qui se poursuivra jusqu’à son acquittement mardi, jour de ses 76 ans. Il accuse son cancer de l’estomac et d’autres problèmes de santé de n’avoir pas pu obtenir le verdict libérateur sur ses interactions avec le système judiciaire. Une rétrospective en huit parties sur les origines et les nombreux développements de la question dite du Crédit Lyonnais.
En 1993, Adidas a été rachetée de manière douteuse
Le socialiste Mitterrand a contraint l’homme d’affaires à entrer dans le gouvernement Bérégovoy comme ministre de la Ville jusqu’en mars de cette fameuse année 1993. Bernard Tapie était satisfait de sa position et envisageait de faire avancer sa carrière politique jusqu’à ce que la droite remporte les législatives et évince la gauche. Il prend soin de sa réputation en vendant rapidement ses entreprises, dont le géant du sportswear Adidas.
Il l’a fait en confiant au Crédit Lyonnais, alors entreprise publique, la responsabilité de vendre l’entreprise. La banque a toutefois participé au rachat du groupe, qui a coûté 315,5 millions d’euros, puis a revendu Adidas avec un bénéfice substantiel. Bernard Tapie estime que le Crédit Lyonnais a tiré profit de lui et cela ne lui plaît pas du tout. Une demande ultérieure pour “arrangements frauduleux” d’un montant de 990 000 000 EUR a été adressée par lui à la banque. La salve d’ouverture de ce qui s’annonce comme une bataille prolongée.
2005-2006 : saison record de Tapie
Le Consortium de Réalisation (CDR), qui gérait le passif du Crédit Lyonnais suite à la quasi-faillite de la banque en 1993, a été condamné par la cour d’appel de Paris en septembre 2005 à verser à l’ancien dirigeant de l’OM 135 millions d’euros (intérêts compris) après des années de litige. C’est-à-dire l’État.
En 2006, la Cour de cassation a infirmé le verdict, mais l’affaire a été relancée lorsque les parties ont décidé de la porter devant un comité d’arbitrage composé de trois juges. La principale question sera alors de savoir si cette organisation privée peut ou non fonctionner légalement. Ce tribunal a condamné l’État (via le CDR) à verser à Bernard Tapie un peu plus de 400 millions d’euros (dont 45 millions d’euros de préjudice moral).
Le fait que Bercy ait d’emblée déclaré que la CDR ne ferait pas appel de la sentence et que Tapie n’obtiendrait « que 20 à 50 millions » est le deuxième point de discorde. Selon le numéro alors en vigueur du Canard chainé, cette estimation est loin d’être exacte. Il faut « mettre un terme à cette histoire des années d’argent », comme l’a exprimé la ministre de l’Economie de Nicolas Sarkozy, Christine Lagarde.
Soupçon de partialité, 2008-2011
Christine Lagarde a plaidé en faveur d’un règlement arbitral contre l’opposition de l’Agence des participations de l’État. C’est pourquoi le prochain président de la Banque centrale européenne (BCE) est une femme : elle a des raisons de s’inquiéter. Le secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, et les magistrats, notamment le grand rédacteur Pierre Estoup, qui est en contact permanent avec l’avocat historique de l’homme d’affaires, seront également traînés dans la boue par le scandale.
Nous avons également fait écho à une liste archivée de mars 2017 de la présidence française qui détaillait les 50 rencontres de Bernard Tapie à l’Élysée avec divers interlocuteurs entre juin 2007 et avril 2012, dont 12 avec le président Sarkozy, 16 avec Claude Guéant et 7 avec le conseiller économique François Pérol.
En 2011, les représentants du PS ont demandé que le dossier soit renvoyé à la CJR pour examen. Le fait que les décisions « visaient à favoriser des intérêts particuliers au détriment de l’intérêt public » est un principe central de leur argument. L’ancien président de l’Assemblée du parti socialiste Jean-Marc Ayrault a critiqué “une affaire d’Etat”.
La CJR entre en jeu en 2011
Les recours contre l’arbitrage ont d’abord été rejetés par le Conseil d’Etat. Cependant, en août 2011, Lagarde a fait l’objet d’une enquête pour « complicité de faux » et « complicité de détournement de biens publics » (tous deux passibles de 10 ans de prison) par la Cour de justice de la République, compétente pour juger les ministres. Malgré le départ de Dominique Strauss-Kahn, le FMI continue de faire confiance à son nouveau directeur général. Quelques mois plus tard, la CJR interrogeait le PDG d’Orange, Stéphane Richard, ancien directeur de cabinet de Lagarde.
2014 : davantage d’arrestations et de perquisitions
Parallèlement, en septembre 2012, une information judiciaire est ouverte pour « usage abusif du pouvoir social et recel de ce délit » par le parquet de Paris. Stéphane Richard, Claude Guéant, Christine Lagarde, Bernard Tapie et les trois arbitres ont tous fait l’objet de perquisitions en 2013. L’objectif est de découvrir les preuves de l’implication de l’Elysée. Les enquêteurs de la brigade financière de Paris, ainsi que Maurice Lantourne, avocat de Bernard Tapie, ont placé le juge Pierre Estoup en état d’arrestation.
Cela conduit à des accusations de « fraude en bande organisée » contre eux. Si Bernard Tapie affirme : « Je n’ai jamais eu de relations avec M. Estoup », il avoue : « J’ai eu quelques rencontres avec lui ». Mais en juin 2013, c’est lui qui faisait face à des accusations. En 2014, l’homme d’affaires avait refusé de répondre aux questions d’Audrey Pulvar sur i-Télé, invoquant pour justification la confidentialité de l’enquête. Les mots « Tais-toi ! » sont sortis de sa bouche sans complexe.
En 2015, nous faisons table rase
La Cour d’appel de Paris a annulé l’arbitrage de 2008 en février 2015. Le problème est désormais revenu là où il a commencé ; l’homme d’affaires, qui soupçonne depuis vingt ans que le Crédit Lyonnais l’a induit en erreur, a demandé une nouvelle réparation. La cour d’appel de Paris revient sur les événements qui ont conduit à la guerre. Cependant, le célèbre arbitrage était censé régler un différend juridique de longue date qui durait depuis les années 1990.
La cour d’appel de Paris a rejeté l’appel de Bernard Tapie et a condamné lui, son épouse et les liquidateurs judiciaires du cabinet Tapie à rembourser les 404 millions d’euros qu’ils avaient perçus en 2008. L’homme d’affaires a essuyé un nouveau revers en juin 2016 lorsque la plus haute juridiction du terre, la Cour de cassation a confirmé l’annulation de l’arbitrage.
L’ancienne ministre Lagarde, qui était en permission du FMI lors du procès, a été reconnue coupable de “négligence” par la Cour de justice de la République le 19 décembre 2016. Toutefois, la CJR ne la sanctionne pas pour cela et n’enregistre pas la condamnation. Ce qui semble toujours susciter des débats.
Préoccupations judiciaires, 2017-2019 : Tapie
Mi-décembre 2017, Bernard Tapie a été envoyé en prison dans l’attente de son procès pour « escroquerie » et « détournement de fonds publics ». Le 8 janvier 2018, il devait être opéré à Paris et ne s’est donc pas présenté à sa convocation judiciaire à Bruxelles. La présidente du tribunal, Christine Mée, a annoncé mardi que “les éléments constitutifs du délit d’escroquerie ne sont pas caractérisés”, signifiant qu’elle avait également exclu “un détournement de fonds publics” et une “complicité” dans cette affaire. Le tribunal a également déclaré non coupable l’actuel PDG d’Orange, Stéphane Richard.
Une dette qui reste à payer ?
Le tribunal correctionnel de Paris a disculpé Bernard Tapie de toutes les charges liées à l’enquête pénale. Cependant, le tribunal civil a annulé l’arbitrage contentieux le 17 février 2015, invoquant comme motif la fraude. La cour d’appel a statué contre Bernard Tapie le 3 décembre 2015 et le jugement contre lui devient définitif en 2017.
Les réclamations pour dommages déposées par des parties privées, le gouvernement et le CDR ont toutes été rejetées. Benoît Chabert, avocat du CDR, a rappelé que “la fraude civile est définitive” et que “Bernard Tapie doit payer au civil” les fonds amassés. Le CDR se déclare en outre « déterminé à récupérer les sommes indûment perçues par Bernard Tapie » malgré son acquittement.
Alors que le tribunal de commerce continue d’examiner les modalités de remboursement de Bernard Tapie, personnellement en faillite depuis décembre 1994, la seule question qui reste est d’ordre pratique. Son avocat, Maître Hervé Temime, a reconnu que Bernard Tapie menait le “combat de sa vie” devant la cour d’appel de Paris. Mercredi, un juge devait se prononcer sur l’appel de son procès contre le Crédit Lyonnais, mais son décès met un terme à la procédure. Une bataille judiciaire qui a duré près de 30 ans, à travers de nombreux traitements et rebondissements inattendus.
En 1990, Bernard Tapie débourse 362 millions d’euros pour acquérir Adidas
Pour 1,6 milliard de francs (362 millions d’euros) en 1990, Bernard Tapie rachète Adidas. Pierre Bérégovoy, devenu ministre de François Mitterrand fin 1992, a confié à sa banque, la Société de Banque Occidentale (filiale du Crédit Lyonnais), la vente d’Adidas après avoir échoué à redresser l’entreprise.
L’entreprise a été vendue en février 1993 à un groupe d’investisseurs accusés d’avoir dissimulé une opération de la Banque nationale pour 2,1 milliards de francs (441 millions d’euros). Bernard Tapie affirme avoir été shorté sur le bénéfice d’environ 400 millions d’euros qui résulterait du transfert du Crédit Lyonnais. Bernard Tapie a été mis en liquidation judiciaire en 1994. Robert Louis-Dreyfus, président du directoire d’Adidas, a racheté l’entreprise pour 701 millions d’euros. Bernard Tapie s’estime lésé et poursuit le Crédit Lyonnais pour 229 millions d’euros en 1995.